Publication d’un article scientifique sur les nunataks du Mont-Blanc : "Anthropocene trajectories of high alpine vegetation on Mont-Blanc nunataks"

Ecrit par Cédric Dentant, Bradley Z. Carlson, Nicolas Bartalucci, Arthur Bayle et Sébastien Lavergne

L’article s’intéresse à l’évolution d’îlots de végétation au sein de la Mer de Glace - encore appelés nunataks : ces pics rocheux isolés qui sont restés émergés au-dessus de la calotte glaciaire et ont ainsi vu se développer des communautés d’espèces végétales capables de résister à des conditions extrêmes. Une équipe de recherche transdisciplinaire formée de chercheurs, de guides de haute-montagne (pour certains les deux à la fois), et de botanistes sont partis revisiter ces îlots pour étudier leur évolution depuis la première visite historique effectuée il y a 150 ans. Ces revisites, associées à des analyses de télédétection, ont permis de mettre en évidence plusieurs phénomènes à découvrir en lisant la publication (et le résumé ci-dessous) !

Résumé

Le réchauffement climatique entraîne un recul spectaculaire des glaciers et d’intenses changements de végétation dans les régions alpines. Les nunataks de haute altitude, c’est-à-dire des îlots rocheux émergeant des glaciers et abritant les plantes à fleurs très élevées en terme topographique, ne font pas exception à la règle. Pourtant, les conséquences du changement climatique sur la végétation des nunataks restent relativement inexplorées. Nous présentons ici les résultats d’une nouvelle visite d’études historiques sur les plantes sur six nunataks situés entre 2180 m et 3509 m d’altitude, au milieu des glaciers du massif du Mont-Blanc (France). Nous avons comparé les relevés de végétation effectués en 2020 à ceux réalisés 150 ans auparavant, et avons effectué des analyses de télédétection pour décrire les changements dans la productivité de la végétation au cours des dernières décennies. Nous avons constaté une augmentation de la richesse en espèces végétales pour les nunataks les plus bas et les moins isolés, phénomène qui a contribué à un signal fort de verdissement de la végétation au cours des 35 dernières années. Cette tendance est due à la migration vers le haut des espèces compétitives, mais aussi à la colonisation de microsites récemment déglacés par des espèces provenant de zones voisines. Nous soulignons également des trajectoires écologiques frappantes qui ont été peu discutées jusqu’à présent, telles que la stabilité de la composition des nunataks les plus élevés et les plus isolés, une augmentation des espèces végétales associées à la couverture neigeuse non permanente et à l’écoulement de l’eau, et enfin un accroissement des graminoïdes à basse altitude et des phanérophytes à plus haute altitude. Nous soutenons que les changements de la végétation des nunataks ne sont pas dus à la seule migration vers le haut d’espèces compétitives, et que le suivi des changements écologiques sur de larges gradients d’altitude est nécessaire pour mieux comprendre la transformation rapide des paysages alpins.

L’article a été publié en anglais dans la revue scientifique Botany Letters. Il est consultable et téléchargeable ici.

Ilot du Tacul
© Cédric Dentant

Androsace de Saussure
Androsace saussurei
© Cédric Dentant

Contributeurs de l’étude au sommet du Jardin de Talèfre
© Cédric Dentant

Mis à jour le 17 juillet 2023